Titre
Max Dozolme
Producteur sur France Musique, Max Dozolme signe aussi les avant-concerts dans le cadre du Grand Tour du National.
Max Dozolme, vous présentez une chronique dans la Matinale de France Musique, « Maxxi Classique », qui entend utiliser tous les genres musicaux pour parler de la musique dite classique…
J’aime utiliser la transversalité : entre les genres musicaux, mais également entre les disciplines (cinéma, littérature, etc.). Tous les angles sont bons pour parler du classique, ce qui permet d’intéresser à la fois les mélomanes, les moins spécialistes et les plus curieux !
À l’heure où nous pouvons trouver sur internet tous les renseignements possibles sur les œuvres, vous essayez de faire de vos chroniques des documents uniques et inédits…
C’est là où le cross-over intervient, même s’il faut reconnaître qu’il est plutôt à la mode. Par ma formation classique, j’ai emmagasiné beaucoup d’histoires, beaucoup d’anecdotes, que j’essaie de replacer dans mes chroniques. Toute porte d’entrée est bonne à utiliser, d’un article universitaire à une remarque sur un réseau social. À partir de là, je tire un fil. En ce moment, par exemple, je travaille sur le générique de la série télévisée Succession… ce qui me permet de parler des accords aux XVIIIe et XIXe siècles.
Dans le cadre du Grand Tour de l’Orchestre National, pratiquez-vous également cette philosophie de l’abord transversal de l’œuvre ?
D’une certaine façon oui, puisqu’au lieu de faire une conférence sur les œuvres qui sont jouées, je fais des entretiens avec les solistes avant chaque concert. Nous parlons rapidement de leur parcours, mais surtout de l’œuvre qu’ils vont jouer. Le programme de salle donnant tout ce qu’il faut savoir sur la pièce, je profite de la présence des artistes qui seront sur scène pour parler de leur vision de l’œuvre. Parler de leur vision, c’est déjà parler de l’œuvre. « Quel est votre passage préféré ? », « Imaginez-vous des scènes lorsque vous jouez ? », « Faites-vous le vide pour favoriser le par cœur ? » : toutes ces questions permettent d’incarner la pièce, de lui insuffler déjà une existence tangible avant de l’écouter une demi-heure plus tard. Nous ne sommes pas dans l’analyse mais dans la discussion.
Que préférez-vous, cette approche de la musique par la vision de l’interprète, ou le fait d’être sur scène pour parler de l’œuvre de façon plus explicative ?
Les deux me vont. Je me mets à la place du public, et je pense qu’il est toujours plus sympathique d’entendre les interprètes eux-mêmes parler de leur rapport particulier à l’œuvre. Au fond, nous pouvons trouver partout des explications sur l’œuvre, alors que là, ce qui est précieux, c’est d’avoir accès à la personnalité à un moment précis. Évidemment, je ne m’interdis pas de reprendre la parole pour compléter avec des éléments musicologiques. C’est un aller-retour assez joyeux entre l’interprétation et la musicologie. Enfin, le public pose des questions ; y répondre est la forme la plus précise de médiation.
Vous parlez avec les interprètes de la musique mais également des lieux…
Par exemple, à Bourges, en parlant avec Ismaël Margain et Guillaume Bellom, nous nous sommes aperçus qu’ils avaient déjà enregistré dans cette ville, et nous avons ainsi pu parler de leurs souvenirs. Cela peut sembler anecdotique, mais tout est bon pour donner vie à la musique avant de l’écouter : mieux connaître les interprètes conditionne l’écoute et la rend plus familière. En lien plus direct avec la musique, nous avions parlé de l’acoustique de la maison de la Culture de Bourges qui exigeait que leurs deux pianos soient placés d’une manière assez particulière.
N’est-ce pas un peu périlleux de parler à un artiste avant son entrée sur scène ?
On pourrait le penser, pourtant, je n’ai pas eu de problème jusque-là. De toute façon, l’exercice ne leur est pas imposé. Je me souviens qu’Alexandre Kantorow est arrivé au dernier moment et de bonne humeur pour la présentation à Lyon parce qu’il voulait vérifier l’accord une dernière fois, et ça n’a pas été un inconvénient pour lui ensuite. J’ai le réflexe de penser que les artistes plus jeunes sont plus volontaires pour diminuer leur temps de concentration en solitaire avant le concert, mais c’est à vérifier, évidemment !
Propos recueillis par Christophe Dilys