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Une grenouille pas comme les autres

Connaissez-vous la flûtillule? Les violiphars ? Le percugueurnouille ? Ils peuplent le monde de batraciens du nouveau Conte de la Maison Ronde à découvrir pour les fêtes de fin d’année. 

Pour qui l’ignorait encore, il n’est plus permis d’en douter : avec La Grenouille à grande bouche, les « Contes de la Maison Ronde » montrent de nouveau que les vieux pots sont propices aux meilleures confitures ! Qu’importe donc si, à l’hiver prochain, nous sommes pris les doigts dans le récipient de marmelade, soucieux d’emboîter le saut au fameux batracien des péripéties duquel on se délecte déjà.  

Mais avant de rejoindre la vase, arrêtons-nous un instant du côté du chaudron où ce conte musical a pris forme pour satisfaire une grenouille avide d’expériences inédites. Quoi de plus naturel, d’ailleurs, au regard de l’exceptionnelle longévité qui est la sienne ? Car le conte en lui-même ne date pas d’hier. Le temps était donc enfin venu, pour notre rainette, de faire sa mue. 

Par chance, il y avait depuis longtemps dans les cartons de Maëlle Mietton une ébauche de Grenouille en attente d’une formule magique pour monter sur les planches. Et la baguette de Christophe Mangou de faire le nécessaire : « Abracadabra, un joyeux trio tu formeras ! » Aux côtés de la comédienne et du chef d’orchestre, le compositeur Jean-Claude Gengembre se joint à l’aventure, qui promet d’être rock and roll… D’autant que c’est le rêve que caresse secrètement la grenouille depuis toujours : s’échapper d’une si petite mare pour devenir une star. Mais motus et bouche cousue ! Il va falloir patienter quelques mois encore avant de la voir chausser ses lunettes noires. 

Inutile, en attendant, de se voiler la face : si séduisante soit-elle, l’idée de réinvestir un conte nécessite un peu d’expérience. Fort heureusement pour notre grenouille, les artistes présidant à sa future destinée ne sont pas nés de la dernière pluie ! Maëlle Mietton, qui répond là à une nouvelle commande d’écriture en direction d’un spectacle musical jeune public, a l’habitude désormais de se frayer une voie à partir d’un récit préexistant. Au point d’avoir vu le moment venu ressurgir d’un bond l’animal, qu’elle avait jusqu’alors accommodé à d’autres sauces. 

« La priorité, précise Jean-Claude Gengembre, était de réfléchir d’abord à la façon dont le texte pourrait s’adapter à ce format inédit. Avant que je n’écrive la moindre note, Maëlle et moi avons donc travaillé au renforcement des dialogues. Nous voulions en effet que la narration soit moins présente, pour permettre à l’orchestre de prendre le relais. » Et pour cause : « La musique n’est pas seulement illustrative… » Depuis toujours, Maëlle Mietton y voit des paysages entiers et de la couleur qu’elle essaie de faire ressentir, en amenant son univers au concert. Un travail exigeant qui a donné naissance à sept tableaux où le public pourra suivre la grenouille, de l’étang à la forêt en passant par la ville et ses bas-fonds, entourée d’autres personnages pour lesquels la comédienne s’amuse à faire des voix différentes. On reconnaîtra néanmoins dans ce nouvel écrin certains « marqueurs » du conte, que ce soit à travers le chemin initiatique du personnage principal ou la structure de l’histoire, prétexte à un voyage sonore offrant aux spectateurs de traverser des styles musicaux variés grâce à l’orchestre.   

Gageons qu’à sa tête, Christophe Mangou se sentira comme un poisson dans l’eau… Très impliqué dans les activités pédagogiques, le chef a en effet coutume de mouiller la chemise, fût-ce pour une grenouille à laquelle il apporte bien évidemment sa patte. Après Eva pas à pas, l’idée du conte musical participatif a fait son chemin chez ce musicien aux multiples casquettes, qui croit à l’implication de l’auditoire comme à la nécessité d’ancrer dans le corps certains éléments pour mieux les assimiler. Pas question donc, pour le futur public du Studio 104, de rester les bras croisés sur les fauteuils ! Le spectacle se veut « vivant », et ouvert sur la pluridisciplinarité artistique, sans laisser quiconque au bord de l’étang. En ce sens, une vidéo permettra dès la rentrée de se préparer à accompagner le chant de la grenouille dans la perspective du concert, où se nouera un va-et-vient fructueux entre la salle et la scène. 

Au risque de contredire l’étymologie, qui gratifie communément l’« amphibien » de deux vies, il en est davantage pour la Grenouille à grande bouche qui s’apprête donc à renaître sous le feu des projecteurs par le biais d’une représentation aussi ambitieuse qu’accessible. Quand d’aucuns s’amuseront de voir se dessiner l’histoire de l’orchestre derrière celle de l’animal, goûtant aux clins d’œil savoureux lancés en direction du grand répertoire, chacun trouvera dans ce conte le plaisir de la musique et des mots qui s’entremêlent pour nous ouvrir au monde. De quoi ôter l’envie de jeter la grenouille avec l’eau de la mare… Celle-ci, vous l’aurez compris, n’a pas fini de nous surprendre ! 

Fabienne Dewaele-Delalande