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Un lien organique
Entre Mikko Franck et Sibelius, c’est une longue histoire.
Interrogé, un jour, sur son rapport à la musique de Sibelius, Herbert von Karajan, l’un de ses interprètes majeurs, eut cette réponse : « C’est, je crois, que l’on ne peut comparer ce compositeur à aucun autre. Comme Bruckner, il a le sens de l’élémentaire. Il fait songer aux roches erratiques : elles sont là, colossales, issues d’un autre âge et nul ne sait comment elles sont venues. Inutile, donc, de se poser des questions. Tel est Sibelius, pour moi. Et on n’en a jamais fini avec lui. »
À sa façon, Mikko Franck n’en a jamais fini, lui non plus, avec Sibelius, l’un des musiciens que le chef finlandais a certainement le plus souvent remis sur le métier et qu’il a au moins autant dirigé que son compatriote et « compositeur préféré » Einojuhani Rautavaara (1928-2016), souvent présenté, au demeurant, comme l’héritier direct de l’auteur de la Valse triste.
On rappellera que Sibelius fut au programme du tout premier disque de Mikko Franck, enregistré en 1999, l’année de ses 20 ans. À la tête de l’Orchestre symphonique de la Radio suédoise, il grave, pour le label Ondine, un album réunissant En Saga et les Quatre Légendes qui recevra un Diapason d’or et une nomination pour les Grammy Awards en tant que « meilleure interprétation orchestrale ».
Son aventure française avec Sibelius débute avant même qu’il ne succède à Myung-whun Chung à l’Orchestre Philharmonique de Radio France. En 2013, à la Salle Pleyel, le voici qui s’empare de sa Symphonie n°2. Trois ans plus tard, le 24 avril 2015, dans un Auditorium de Radio France inauguré quelques mois plus tôt, l’anniversaire des 150 ans de la naissance de Sibelius est fêté comme il doit par un Mikko Franck alors fraîchement intronisé. Le programme propose le « Nocturne » extrait de la musique de scène du Roi Christian II, En Saga, la Symphonie n°7 et le Concerto pour violon avec la Lettone Baiba Skride. En 2016, c’est au tour de la populaire Symphonie n°5, donnée à la Philharmonie de Paris. L’année suivante, son interprétation, à l’Auditorium, de la Suite Lemminkäinen inspire ce commentaire à Michel Le Naour, dans concertclassic.com : « les quatre morceaux inspirés du Kalevala se présentent tel un cycle dont le chef, totalement investi, se dressant même devant l’orchestre, tire des sonorités de rêve (Le Cygne de Tuonela). Avec un élan et un enthousiasme communicatif (Le Retour de Lemminkäinen), Franck entraîne les musiciens du Philhar sur les sommets avec une magnificence peu commune. » Au cours de cette saison, Mikko Franck choisit également le « Nocturne » extrait du Festin de Balthazar et les Six Humoresques avec la violoniste Alina Pogostkina. C’est enfin, en 2018, le tour de la Symphonie n°3, suivie, en mai 2019, du Concerto pour violon, joué cette fois par Hilary Hahn. La boucle est bouclée.
C’est dire l’importance et la logique, que revêt, ce printemps, l’intégrale des sept symphonies et le concerto (en trois jours !). Un retour qui vaut couronnement, en cette avant-dernière saison parisienne de Mikko Franck. L’occasion, bien sûr, de retrouver la très fidèle Hilary Hahn, et l’art inimitable du chef finlandais dans son cœur de répertoire. Celui qu’il mûrit depuis ses années d’études auprès de son maître Jorma Panula, dont il résumait la teneur à Christian Merlin dans de passionnants Grands Entretiens pour France Musique, en 2022. « Tout peut se résumer à la clarté de la technique des mains et des gestes. La communication des intentions doit être limpide. La communication verbale, elle, n'intervient que lorsque c'est vraiment nécessaire. En répétition, je parle donc assez peu, j'aime être efficace. Il n'y a pas une seule façon de diriger. Le style de chacun provient de son propre style corporel, puis on se débarrasse du superflu pour donner quelque chose qui soit à la fois limpide et profondément personnel. »
Jérémie Rousseau
Intégrale Sibelius par Mikko Franck
10, 11 et 12 avril 2024
Auditorium de Radio France
Orchestre Philharmonique de Radio France
Diffusion sur France Musique