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Rencontre avec Aurélie Moreau de France Musique
Aurélie Moreau connaît la radio de l’intérieur. D’abord attachée de production pour La Tribune des critiques de disques, elle a rapidement tenté tous les exercices, de la chronique « musique et santé » au Van Beethoven, en passant par les Grands Concerts de Radio France, avant d’être aujourd’hui aux manettes d’une émission qui met les interprètes en avant, Stars du Classique (du lundi au vendredi entre 16h30 et 18h). Elle se livre sur sa vision personnelle aux auditeurs : une vision qui passe par l’interprétation.
Première petite question simple mais quasi obligatoire : comment êtes-vous arrivée au micro de France Musique ?
Par hasard ! J'étais attachée de production, et on m'a dit un jour qu'on ne pouvait plus me garder, faute de poste. Pierre Charvet, directeur des programmes à cette époque, m’a proposé de participer aux essais d’antenne durant l’été. Je me suis dit : « fichu pour fichu, autant essayer ! »
Vous en gardez un bon souvenir, de ce premier micro ?
Disons un souvenir précis. C'était quand même assez angoissant, mais très vite le plaisir a pris le dessus. Je me suis dit alors que c'était assez rassurant, parce que ça voulait dire que je ne me trompais pas.
En tant qu'auditrice de France Musique, avant d'être au micro, aviez-vous déjà une sorte d'instinct sur le fait de parler de musique, un avis sur la présentation ?
Sur la façon de parler, sans doute pas... mais sur les artistes à diffuser, très certainement ! C'est même parti d’un problème que j’avais à l'époque où je faisais du piano. Je me rappelle très bien d'un pianiste qui, lors d'une masterclass, me disait que j'avais écouté tellement d'enregistrements qu'il n'y avait rien de personnel dans mon interprétation ! C’était devenu un pot-pourri de tout ce que j'avais écouté. Finalement, cela me sert aujourd’hui, parce qu’effectivement ce professeur avait raison : j'ai écouté beaucoup de choses !
Ce qui vous dessert en tant qu'artiste vous aide en tant que femme de radio…
Exactement !
Et dans l’exercice de la présentation de concert, que voulez-vous communiquer aux auditeurs ?
Par essence, le concert est un moment de partage entre l’artiste et le public. C’est donc avant tout ce que j’essaie de respecter. Et aux auditeurs, j'aime donner un ressenti ; j’éprouve beaucoup de plaisir à chercher à mettre des mots sur le jeu de l'artiste pour, disons, éclairer l'oreille critique de l'auditeur.
Votre curseur sera donc davantage sur les qualités d'interprétation de l’artiste plutôt que sur le contexte historique ?
Je ne néglige pas le contexte, mais sachant qu'aujourd'hui nous avons des moyens faciles et immédiats pour s'informer, je trouve que finalement la grande plus-value à apporter à l’auditeur se situe là : moi, j’entends quelque chose, peut-être l’auditeur a-t-il entendu autre chose, et le fait d’en parler va créer un point de rencontre avec son ressenti. C’est ainsi que le moment devient intéressant.
Dites-vous « je » dans vos présentations ?
Oui, ce n’est pas un gros mot. Si je pense qu’une version possède toutes les qualités que je cherche… ou le contraire (!), il ne faut pas s’interdire, à mon sens, de le dire. Cela nous rapproche de l’auditeur et resserre les liens. Je l’ai appris avec le temps.
Vous avez le sentiment d’avoir changé sur d’autres choses, d’ailleurs, avec le temps ?
Il faut répondre honnêtement ou…
Toujours ! C’est plus drôle à lire !
Alors je dirais que mon changement se situe dans une forme d'assurance. Je suis quelqu'un de réservé, naturellement assez timide. Quand j'étais plus jeune, j'allais difficilement vers les autres, et il faut reconnaître que la radio est un bon moyen de parler aux gens sans devoir aller vers eux. C’est par cet espèce de mi-chemin que j’ai pu gagner en assurance.
Des souvenirs de présentation de concerts un peu drôles ?
Un souvenir incroyable ! C'était juste après le COVID. François-Frédéric Guy avait organisé l’intégrale des sonates pour piano de Beethoven jouées par plusieurs pianistes sur tout un week-end, dont lui. J’étais au micro pour le dernier concert de cette intégrale, et tous les pianistes, le dernier soir, étaient venus écouter François-Frédéric Guy. Quand, à la fin du concert, il est venu au micro, les jeunes sont entrés dans la pièce avec lui et ont fait un sacré boucan ! « Vive Beethoven ! Vive François-Frédéric Guy ! » Côté antenne, c’était complètement ingérable… mais incroyablement festif. Nous sortions de la crise sanitaire, et cette communion était salutaire.
Un dernier message sur la philosophie d’Aurélie Moreau ?
Philosophie, peut-être pas ! Mais je dirais ceci : quand il a fallu changer de titre d'émission, j'avais pensé à quelque chose comme « Via Aurélia, tous les chemins mènent à la musique classique ». C’était trop autocentré… mais je trouvais ça assez poétique. Il y a cette Via Aurélia, une grande route empruntée par Napoléon qui existe encore aujourd'hui et qui va jusqu'à Rome. Tous les chemins mènent à Rome, tous les chemins mènent à la musique classique. Voilà !
Propos recueillis par Christophe Dilys