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Nature et Redécouvertes
Plus que jamais sensibles à l’écologie et au monde vivant, l’Orchestre Philharmonique de Radio France et Mikko Franck déclinent une saison où la nature occupe une place centrale. Tour d’horizon.
En 1722, dans son Traité de l’harmonie réduite à ses principes naturels, Rameau affirmait que la musique occidentale tenait sa perfection d’une organisation liée à la nature des sons, avec des arguments « scientifiques » bientôt contestés par Jean-Jacques Rousseau. Musicien mineur mais penseur majeur, le fameux promeneur solitaire revendiquait sa préférence pour la mélodie italienne, mais il abordait surtout la musique comme Orphée, dont le chant charmait même les bêtes sauvages. « Jamais la nature ne nous trompe, c’est toujours nous qui nous trompons » déclarait Jean-Jacques.
Si la recherche de l’harmonie des sphères date de l’antiquité pythagoricienne, l’inspiration, voire l’imitation de la nature par la musique remonte à la nuit des temps. Dès le Paléolithique, les êtres humains ont mis en vibration bois, os, pierre ou coquillage, les chasseurs cueilleurs ayant imité de tout temps le chant des oiseaux avec des appeaux. « Il est extraordinaire d’observer à quel point l’homme de l’âge de pierre savait saisir le monde qui l’entourait. Quel savoir-faire inattendu, raffiné et habile dans cet art, d’où se dégage une force intérieure si fascinante » déclare Kryštof Mařatka dans son récent concerto pour violon Sanctuaires – aux abysses des grottes ornées, créé pour et par Amaury Cœytaux, ancien violon solo du « Philhar » (le 12 décembre).
Les cris d’animaux, en particulier les chants d’oiseaux, sont présents dès la Renaissance chez Clément Janequin, puis Beethoven cite le coucou, la caille et le rossignol dans sa Pastorale, partition ayant directement inspiré Berlioz dans la Scène aux champs de sa Fantastique (le 12 juin). Sans parler du compositeur-ornithologue Messiaen, plus près de nous, Clara Iannotta décrit même un Strange bird… (le 16 novembre). Et combien de musiciens ont évoqué l’eau ? Celle de la Tamise des Water Music de Haendel (le 11 janvier), de la Moldau de Smetana (le 3 octobre), celle des Hébrides de Mendelssohn (les 2 et 3 octobre), de La Mer de Debussy (le 30 avril), des Waves de Dusapin ou de l’infanticide Vodník de Dvořak (le 3 octobre).
Si la musique est l’art des sons et des silences, c’est aussi l’art du temps qui passe, comme soulignent Haydn dans sa Symphonie « Le Midi » (le 24 mai), Debussy dans Prélude à l’après-midi d’un faune, Chaminade dans Feux de la Saint-Jean, Berlioz dans les Nuits d’été (le 13 septembre), Tchaïkovski dans sa Symphonie « Rêves d’hiver » (le 13 février) ou Stravinsky dans Le Sacre du printemps (le 24 février). Notre environnement est fragile nous rappellent Tan Dun dans Requiem for nature (le 2 juillet), ou Camille Pépin dans Inlandsis sur la fonte des glaces : « Cette pièce repose sur l’ambivalence de deux émotions : la peur d’une fin inéluctable et l’espoir d’un nouvel horizon. Si l’on est pessimiste et souvent impuissant face aux évènements liés aux dérèglements climatiques, nous ressentons toujours cette grande émotion devant la beauté et la force de la nature » (le 18 juin). En effet, l’émerveillement est toujours là, face au spectacle de la nature et aux ressources infinies de la musique. Il suffit pour s’en convaincre de suivre Richard Strauss dans Une Symphonie alpestre, inextinguible source de joie (le 13 septembre).
François-Xavier Szymczak
« L’émerveillement est toujours là, face au spectacle de la nature et aux ressources infinies de la musique. »