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Le bel âge

Publié le ven 12/07/2024 - 10:15
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Auditorium de Radio France Photo Christophe Abramowitz
Auditorium de Radio France Photo Christophe Abramowitz
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En novembre 2024, l’Auditorium de Radio France souffle ses dix bougies. L’offre musicale élargie, proposant grand répertoire symphonique, œuvres chorales, musique de chambre, récitals ou concerts participatifs, a répondu à l’attente des publics. Sans oublier la grande famille des auditeurs de France Musique, qui sont 135.000 en moyenne chaque soir à 20h.

Les premières raisons d’un succès ? Rendons à César...et notons d’emblée la prouesse d’Architecture Studio d’avoir choisi ces élégants parements de bois bien visibles sur les balcons, associés à ces ronds polycylindres situés à l’arrière des gradins. En levant les yeux, chacun aura pu admirer le fameux canopy, cette lentille réfléchissante qui optimise la propagation du son. « Nous avons une chance inouïe de disposer d’un instrument tel que l’Auditorium qui permet pour l’auditeur, le spectateur comme pour les musiciens, mieux qu’un concert, une expérience musicale unique, note Michel Orier, Directeur de la Musique et de la Création. C’est formidable, et une joie quotidienne que d’avoir la responsabilité d’inscrire un tel joyau dans le paysage parisien, en contre-point de la Philharmonie, du Théâtre des Champs-Élysées ou de l’Opéra. » Pour Denis Bretin, secrétaire général de la Direction de la Musique et de la Création, il n’allait pas de soi « d’installer 1461 spectateurs au cœur du concert. Aucun spectateur n’est jamais assis à plus de dix-sept mètres des musiciens ; il se voit offrir un sentiment d’intimité pour une écoute digne d’un salon de musique ». Avis confirmé par Étienne Pipard, musicien-metteur en ondes, qui loue « l’acoustique détaillée de l’Auditorium permettant une meilleure écoute des musiciens au sein-même de l’orchestre. Dans un volume limité à 18.000 m3, l’acoustique intimiste, avec ses 1,9 secondes de réverbération, s’avère idéale pour la musique de chambre ou les formations Mozart, sans doute un peu moins pour les œuvres nécessitant un orchestre pléthorique ». Aussi, lorsqu’une symphonie de Mahler exige plus de cent musiciens, les preneurs de son de Radio France veillent aux équilibres pour que la captation soit optimale. Pour Marek Janowski, ancien directeur musical de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, il ne fait aucun mystère que « c’est au chef de moduler le son de l’orchestre en fonction de la salle, et non l’inverse ».

Deux abonnés, récemment interrogés sur France Musique, confient eux aussi leur enthousiasme pour la chaleur des matériaux de l’Auditorium, la taille humaine d’une salle qui laisse s’épanouir l’expérience du concert, servie par des formations musicales dont ils connaissent l’excellence. En dépit des cris de Cassandre poussés dans certaines études, l’Auditorium de Radio France gagne, depuis sept ans, un an sur l’âge moyen de ses publics, ce dernier étant passé de 57 ans en 2017 à 51 aujourd’hui – chiffre étayé par un pool de deux mille abonnés entre dix-huit et vingt-huit ans. De facto, en une décennie, plus d’un million de spectateurs auront assisté à plus de 2000 concerts, retransmis en priorité sur France Musique, mais aussi sur les autres antennes de Radio France.

Trois grandes journées d’inauguration, du 14 au 16 novembre 2014,  permirent aux acteurs de découvrir le nouvel écrin. L’Orchestre National de France, dirigé par Daniele Gatti, avait choisi des œuvres de Dutilleux, Wagner, Strausset Ravel, tandis que l’Orchestre Philharmonique de Radio France, sous le geste de Myung-Whun Chung, avait présenté des pages de Prokofiev, Mozart et Ravel. Le dimanche, un chœur amateur et un orchestre d’élèves de conservatoires réunis à des musiciens du National et à la Maîtrise de Radio France avaient proposé L’Arche de Noé de Britten, un moment que Sofi Jeannin se remémore avec émotion : « Je voulais absolument donner cette merveilleuse pièce pour notre concert d’inauguration. La Maîtrise a fait son entrée avec des masques d’animaux qu’ils avaient fabriqués eux-mêmes. Tout le public s’est levé pour chanter, un vrai moment de communion absolument bouleversant ».
À l’usage, l’Auditorium est devenu un écrin optimal pour les concerts symphoniques, de musique de chambre, les récitals, la musique chorale, les concerts d’orgue et concerts-fiction, et il sert au mieux les nouveaux formats. Telle une ruche bourdonnante, ses coulisses voient se succéder à une cadence soutenue changements de plateau et configurations techniques complexes de prise de son, éclairage, voire sonorisation de l’espace.

 

Premier bilan par ses acteurs

Musiciennes et musiciens s’y épanouissent en servant leur art : pour Mikko Franck, « l’Auditorium et son acoustique chaleureuse ont joué un rôle important dans le développement de l’Orchestre Philharmonique et sa sonorité. Ils contribuent à faire de chaque concert un événement musical unique. Depuis son ouverture, ce lieu est devenu notre maison, un lieu de partage d’émotions musicales et humaines, un espace intime, où tout le monde participe à la même expérience, comme une famille ». Violoniste au Philhar, Aurore Doise abonde dans son sens : « l’Auditorium a apporté une exigence : il répond au quart de tour et facilite la circulation de l’énergie du collectif ». Et la violoniste de se remémorer une exceptionnelle Symphonie fantastique, en communion avec le public, avec Myung-Whun Chung, la Première Symphonie de Mahler avec Jaap van Zweden et une incroyable Troisième de Brahms avec John Eliot Gardiner.

En écho, Cristian Măcelaru, directeur musical de l’Orchestre National de France, n’a que l’embarras du choix pour désigner les moments merveilleux à la tête de sa phalange, « mais il est certain que le Requiem de Saint-Saëns reste très présent dans mon esprit. La façon dont nous avons utilisé l’Auditorium comme un véritable instrument de musique, avec le placement de différents groupes musicaux aux balcons, répondant à l’orgue, sans jamais perdre la qualité intime de cette musique, c’était de la pure magie. Chaque fois que nous interprétons une pièce aux lignes musicales très délicates, la beauté du son est renforcée par l’acoustique de la salle, qui apporte cette nuance douce, élégante et apaisante ». Corniste à l’ONF, Jean-Paul Quennesson renchérit : « on est passé d’une situation où nous jouions dans des salles prestigieuses – le Théâtre des Champs-Élysées, la salle Pleyel – à un nouveau lieu, notre maison, où le travail devient marqueur de l’identité d’un orchestre ».

Quant à Lionel Sow, il met en avant d’extraordinaires Noces de Stravinsky, un des premiers projets où il s’est projeté vers ce qu’il souhaitait pour le Chœur de Radio France et vers ce qu’il peut représenter en France dans le paysage choral. Aussi la soprano Claudine Margely garde très présents en mémoire Un Requiem allemand de Brahms avec Daniele Gatti, le concert des 70 ans du Chœur avec les Carmina Burana dirigés par Sofi Jeannin et la Messe en si avec Leonardo García Alarcón, sans oublier le sublime Grand Macabre de Ligeti dirigé par François-Xavier Roth. De son côté, Sofi Jeannin met en avant la générosité des chanteurs dans Figure Humaine de Poulenc : « une musique si incroyablement française et merveilleuse, donnée dans le climat particulier après les attentats à Paris. Au 7e mouvement, ma vision s’est troublée en regardant les chanteurs et j’ai réalisé que c’étaient des larmes qui coulaient. Bonté, beauté, force et espoir. » On ne pouvait mieux résumer les émotions que l’Auditorium a accompagnées, et on se réjouit déjà de sa prochaine décennie.

Texte

« En une décennie, plus d’un million de spectateurs auront assisté à plus de 2000 concerts, retransmis en priorité sur France Musique. »

Auditorium de Radio France Photo Christophe Abramowitz

Titre
L'Auditorium de Radio France